Instaurer la gratuité partielle ou totale dans les transports
en commun est une manière de faciliter leur accès au plus grand nombre. Il
existe plusieurs motivations, et chaque commune a les siennes.
Transports : "La gratuité ne
suffit pas à rendre un réseau
attractif"
Le Monde.fr | 19.10.2012 à 15h22 • Mis à jour le 19.10.2012 à
20h49
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Bruno Cordier est directeur du bureau d'études Adetec, qui
apporte son expertise au développement des politiques alternatives de déplacements.
Il est notamment l'auteur du rapport (http://portail.documentation.equipement.gouv.fr/documents/dri/PREDIT_0082.pdf)
La Gratuité totale des transports collectifs urbains : effets
sur la fréquentation et
intérêts, publié en janvier 2007.
Quelle motivation peut avoir une commune pour choisir de
rendre sestransports en commun gratuits ?
Instaurer la gratuité partielle ou totale dans les transports
en commun est une manière de faciliter leur accès au plus grand nombre. Il
existe plusieurs motivations, et chaque commune a les siennes. Cela peut être
dans une perspective économique et pratique, comme à Châteauroux, par
exemple, où la gratuité a résolu le problème d'achat et de stockage des
billets, et "rentabilisé" le réseau en remplissant d'avantage les bus.
Il peut aussi y avoir une visée politique et sociale : faciliter l'accès au centre-ville afin de ramener les populations de l'agglomération vers le cœur de la ville pour le redynamiser.
Il peut aussi y avoir une visée politique et sociale : faciliter l'accès au centre-ville afin de ramener les populations de l'agglomération vers le cœur de la ville pour le redynamiser.
Les motivations peuvent également être environnementales : favoriser les
transports en commun
plutôt que la voiture individuelle. Comme à Aubagne, par
exemple, où ce choix de la gratuité entre dans une politique plus globale d'extension
du réseau de transports et de création d'un tram.
Aujourd'hui, en France, la gratuité n'existe que dans des villes de moins de 100 000 habitants. Ce modèle est-il généralisable dans des villes plus grandes ?
Aujourd'hui, en France, la gratuité n'existe que dans des villes de moins de 100 000 habitants. Ce modèle est-il généralisable dans des villes plus grandes ?
Il existe un mouvement d'ampleur nationale qui prône la
gratuité des transports, mais ce modèle est difficilement exportable dans les grandes
villes comme Paris. Car dans ces métropoles, la billetterie, c'est-à-dire
l'argent récolté via les billets de transport, couvre 30 à 40 % du coût global. Cette somme ne
pourrait pas être compensée par les autres ressources financières, qui sont le
versement transport
(la taxe payée par tous les employeurs publics ou privés
ayant plus de neuf salariés) et la contribution qu'apporte la collectivité en
ponctionnant son budget général.
Par ailleurs, les villes moyennes ayant instauré la gratuité
ne peuvent pas être prises en exemple par les grandes villes, car ces premières
ont une offre en transport – c'est-à-dire le nombre de kilomètres couvert par
habitant et par an – très pauvre, plutôt bas de gamme. Aujourd'hui, dans les
agglomérations moyennes, la gratuité fait plutôt figure de substitut : on
choisit de mettre de l'argent
dans la gratuité plutôt que dans l'offre. Or, on observe que
plus les villes sont 21/10/12 Transports : "La gratuité ne suf f it pas à rendre
un réseau attractif" …lemonde.f r/…/transports-la-gratuite-ne-suf f
it-pas-a-rendre-un-reseau-attractif _1777680_3234.html 2/3grandes, plus leur offre est importante, y compris en la
rapportant à l'habitant.
Leurs systèmes ne sont donc pas tout à fait comparables et
n'impliquent pas les mêmes choix.
Ne pourrait-on pas considérer les transports en commun comme
un service public ?
En effet, on pourrait se dire qu'il est injuste que les
transports en commun soient les seuls moyens de transport payés de manière significative
par ses utilisateurs.
Quand on conduit une voiture en agglomération, on ne paye pas
l'utilisation de la route, par exemple. De la même manière, un cycliste ne paye
pas pour ses voies cyclables, et les piétons ne payent pas pour leur trottoir.
C'est le contribuable, et non l'usager qui paye.
On pourrait envisager de transférer l'argent utilisé pour la
circulation des voitures (entretien des voiries, parkings, etc.) dans le financement
des transports en commun. Mais ce qui est difficile à gérer, c'est la période
de transition : pendant quelques temps, cela reviendrait très cher aux collectivités
de financer les nouveaux investissements dans les transports en commun, tout
en continuant à financer le système routier. Cette idée fait peur, il y a de
nombreux lobbies, ainsi
que le poids des héritages. De plus, on se rend compte que la
plupart des décisionnaires sont des hommes ayant la cinquantaine et
utilisant majoritairement la voiture. Cela freine considérablement le
changement.
Quelles alternatives sont envisageables ?
La meilleure alternative est la tarification sociale. Par
exemple, à Grenoble, on calcule le pourcentage de réduction des titres de transport à
partir du quotient familial établi par la CAF. Une personne ayant un quotient
familial inférieur ou égal à 380 euros bénéficiera d'une réduction de 95 % sur sa carte
de transport. Mais une personne ayant un quotient familial de 560 à 630 euros
aura une réduction de
60 %. Et parallèlement à ces tarifs attractifs, la ville ne
cesse d'améliorer son offre de transport : d'ici à 2014, il y aura une cinquième ligne de
tram. C'est Dunkerque qui, la première, a instauré cette tarification ajustée aux
ressources des usagers, il y a seize ans. Pour le moment, cela semble être le meilleur
moyen de coupler une offre de transport de qualité à des tarifs bas. Car la
gratuité seule ne suffit pas à rendre un réseau attractif.
Propos recueillis par Delphine Roucaute.
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